HomeFrance«Les toxicos et les migrants vont revenir» : à Paris, autour de la Porte de la Chapelle, la crainte d’un retour brutal à la réalité après les JO
> «Qui aurait cru que la Porte de la Chapelle deviendrait ce quartier avec de magnifiques allées plantées d’arbres, où il fait désormais bon s’asseoir ?». Pour Anne Hidalgo, la «métamorphose» d’un des quartiers les plus pauvres de la capitale devait être l’un des héritages les plus marquants des Jeux. Mais, après la quinzaine enchantée qui a vu affluer des spectateurs du monde entier à l’Arena Porte de la Chapelle pour suivre notamment les épreuves de badminton, riverains et commerçants redoutent un retour brutal à la réalité. > > « Ce sont nos Champs-Élysées à nous ! > Depuis la fin des travaux, on adore s’y balader ». Marie et sa sœur Leila, 19 et > 22 ans, déambulent tout sourire sous les > platanes de la rue de la Chapelle, l’artère > qui relie la porte éponyme au cœur du > 18 e arrondissement. La chaussée flambant neuve et les pistes cyclables ont été > achevées en avril dernier, juste à temps > pour les JO. Au bout de la rue, l’Adidas > Arena, livrée en février 2024, s’élève tel > un monolithe futuriste, tandis qu’à l’est, > les immeubles du nouveau quartier > Chapelle International se dessinent. > « C’est le jour et la nuit », assure Leila, qui > a grandi avec sa sœur dans une rue voisine. « Il y a deux ans, c’était sale, il n’y > avait rien à faire ici. On espère que ça ne va > pas se dégrader. » > > Pourvu que ça dure. C’est aussi le leitmotiv des commerçants qui longent la > rue de la Chapelle. La fin des travaux et la > période des JO ont été l’occasion d’un > nouveau départ. « Les gens sortent et > consomment plus parce qu’ils se sentent en > sécurité », note Imane, gérante d’une > boulangerie proche de l’Arena. Jusqu’au > week-end dernier, un camion de CRS > était posté en permanence en face de son > établissement. « Les jours de match, il y > avait plus de policiers que de visiteurs », > ajoute sa collègue dans un sourire. Mais > ces derniers jours, face à la diminution > des effectifs des forces de l’ordre, Imane > se dit « très inquiète pour la suite ». Brahim, patron d’une pizzeria voisine, se > montre plus confiant. La parenthèse des > JO lui a permis de « sortir la tête de > l’eau », après deux interminables années > de travaux qui avaient « divisé par deux » > son chiffre d’affaires. « Le réaménagement de la rue a redynamisé le quartier. Ça > va rester », se rassure-t-il. > > **La « colline du crack »** > > La ville de Paris, qui a déboursé 385 millions d’euros pour les Jeux olympiques, > en a réservé 70 millions pour la porte de la > Chapelle. « Ce qui a été réalisé à la Chapelle est une immense fierté pour nous », se > félicite Lamia El Aaraje, adjointe à la maire de Paris chargée de l’urbanisme. > Changer l’image du quartier était loin > d’être gagné. Cette ancienne zone industrielle paupérisée s’était transformée depuis les années 2000 en refuge pour les > sans-abri, les sans-papiers et les toxicomanes. La « colline du crack », véritable > campement insalubre sous le périphérique, nourrissait un climat d’insécurité > rampant. « Toute mon enfance, j’ai vu > traîner des seringues sur le chemin du collège », se souvient Esma, 26 ans, qui était > scolarisée à proximité. « Plein d’histoires > glauques circulaient, on évitait la Porte et > les rues adjacentes ». > > « Ça, c’est fini », veut croire Lamia > El Aaraje. Depuis 2019, l’essentiel des > campements de « crackeux » a été « démantelé » en prévision des JO, selon Médecins du monde. « À partir de 2020, la > lutte contre le crack est devenue une priorité absolue, explique Kévin Havet, adjoint > au maire du 18e en charge de la sécurité, > de la police municipale et de la vie nocturne. Nous avons multiplié les centres de > prise en charge et sévi contre les dealers > avec l’aide de la police. » Pour quel résultat ? En quatre ans, « le prix du caillou de > crack a été multiplié par deux, c’est un excellent indicateur », se réjouit-il. Quant > au volet sécurité, « il n’est pas question de > lâcher du lest après les JO », assure Kévin > Havet. « L’objectif, c’est de doubler les effectifs de police d’ici à 2026. Pour le 18e arrondissement, on a atteint cinq brigades de > jour et deux brigades de nuit. » > Le doute persiste toutefois chez la plupart des riverains. « On a été la poubelle > de Paris pendant des années, je ne vois pas > pourquoi on s’intéresserait à nous une fois > les JO terminés », lance, résigné, Guillaume, 45 ans. Ce professeur d’EPS en est > convaincu : « Les forces de l’ordre auront > bientôt d’autres chats à fouetter, les toxicos et les migrants vont revenir. On n’éradique pas un problème de fond avec de la > cosmétique. » Pour Paul Alauzy, coordinateur de Médecins du monde, « on a > voulu des JO “propres”, alors on a fait > place nette des indésirables. Mais la précarité a simplement été repoussée loin de notre regard », assure-t-il. Tandis que > 5 200 sans-abri ont été évacuées de Paris > vers des centres régionaux en amont des > Jeux, « on estime qu’environ 60 % d’entre > eux n’y trouveront pas de solution durable. > Le problème ne sera pas réglé », s’inquiète-t-il. Les efforts sont-ils vains pour > autant ? « On fait une chose puis l’autre. > C’est comme ça qu’on avance », conclut > Kévin Havet. ■
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> «Qui aurait cru que la Porte de la Chapelle deviendrait ce quartier avec de magnifiques allées plantées d’arbres, où il fait désormais bon s’asseoir ?». Pour Anne Hidalgo, la «métamorphose» d’un des quartiers les plus pauvres de la capitale devait être l’un des héritages les plus marquants des Jeux. Mais, après la quinzaine enchantée qui a vu affluer des spectateurs du monde entier à l’Arena Porte de la Chapelle pour suivre notamment les épreuves de badminton, riverains et commerçants redoutent un retour brutal à la réalité.
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> « Ce sont nos Champs-Élysées à nous !
> Depuis la fin des travaux, on adore s’y balader ». Marie et sa sœur Leila, 19 et
> 22 ans, déambulent tout sourire sous les
> platanes de la rue de la Chapelle, l’artère
> qui relie la porte éponyme au cœur du
> 18 e arrondissement. La chaussée flambant neuve et les pistes cyclables ont été
> achevées en avril dernier, juste à temps
> pour les JO. Au bout de la rue, l’Adidas
> Arena, livrée en février 2024, s’élève tel
> un monolithe futuriste, tandis qu’à l’est,
> les immeubles du nouveau quartier
> Chapelle International se dessinent.
> « C’est le jour et la nuit », assure Leila, qui
> a grandi avec sa sœur dans une rue voisine. « Il y a deux ans, c’était sale, il n’y
> avait rien à faire ici. On espère que ça ne va
> pas se dégrader. »
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> Pourvu que ça dure. C’est aussi le leitmotiv des commerçants qui longent la
> rue de la Chapelle. La fin des travaux et la
> période des JO ont été l’occasion d’un
> nouveau départ. « Les gens sortent et
> consomment plus parce qu’ils se sentent en
> sécurité », note Imane, gérante d’une
> boulangerie proche de l’Arena. Jusqu’au
> week-end dernier, un camion de CRS
> était posté en permanence en face de son
> établissement. « Les jours de match, il y
> avait plus de policiers que de visiteurs »,
> ajoute sa collègue dans un sourire. Mais
> ces derniers jours, face à la diminution
> des effectifs des forces de l’ordre, Imane
> se dit « très inquiète pour la suite ». Brahim, patron d’une pizzeria voisine, se
> montre plus confiant. La parenthèse des
> JO lui a permis de « sortir la tête de
> l’eau », après deux interminables années
> de travaux qui avaient « divisé par deux »
> son chiffre d’affaires. « Le réaménagement de la rue a redynamisé le quartier. Ça
> va rester », se rassure-t-il.
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> **La « colline du crack »**
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> La ville de Paris, qui a déboursé 385 millions d’euros pour les Jeux olympiques,
> en a réservé 70 millions pour la porte de la
> Chapelle. « Ce qui a été réalisé à la Chapelle est une immense fierté pour nous », se
> félicite Lamia El Aaraje, adjointe à la maire de Paris chargée de l’urbanisme.
> Changer l’image du quartier était loin
> d’être gagné. Cette ancienne zone industrielle paupérisée s’était transformée depuis les années 2000 en refuge pour les
> sans-abri, les sans-papiers et les toxicomanes. La « colline du crack », véritable
> campement insalubre sous le périphérique, nourrissait un climat d’insécurité
> rampant. « Toute mon enfance, j’ai vu
> traîner des seringues sur le chemin du collège », se souvient Esma, 26 ans, qui était
> scolarisée à proximité. « Plein d’histoires
> glauques circulaient, on évitait la Porte et
> les rues adjacentes ».
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> « Ça, c’est fini », veut croire Lamia
> El Aaraje. Depuis 2019, l’essentiel des
> campements de « crackeux » a été « démantelé » en prévision des JO, selon Médecins du monde. « À partir de 2020, la
> lutte contre le crack est devenue une priorité absolue, explique Kévin Havet, adjoint
> au maire du 18e en charge de la sécurité,
> de la police municipale et de la vie nocturne. Nous avons multiplié les centres de
> prise en charge et sévi contre les dealers
> avec l’aide de la police. » Pour quel résultat ? En quatre ans, « le prix du caillou de
> crack a été multiplié par deux, c’est un excellent indicateur », se réjouit-il. Quant
> au volet sécurité, « il n’est pas question de
> lâcher du lest après les JO », assure Kévin
> Havet. « L’objectif, c’est de doubler les effectifs de police d’ici à 2026. Pour le 18e arrondissement, on a atteint cinq brigades de
> jour et deux brigades de nuit. »
> Le doute persiste toutefois chez la plupart des riverains. « On a été la poubelle
> de Paris pendant des années, je ne vois pas
> pourquoi on s’intéresserait à nous une fois
> les JO terminés », lance, résigné, Guillaume, 45 ans. Ce professeur d’EPS en est
> convaincu : « Les forces de l’ordre auront
> bientôt d’autres chats à fouetter, les toxicos et les migrants vont revenir. On n’éradique pas un problème de fond avec de la
> cosmétique. » Pour Paul Alauzy, coordinateur de Médecins du monde, « on a
> voulu des JO “propres”, alors on a fait
> place nette des indésirables. Mais la précarité a simplement été repoussée loin de notre regard », assure-t-il. Tandis que
> 5 200 sans-abri ont été évacuées de Paris
> vers des centres régionaux en amont des
> Jeux, « on estime qu’environ 60 % d’entre
> eux n’y trouveront pas de solution durable.
> Le problème ne sera pas réglé », s’inquiète-t-il. Les efforts sont-ils vains pour
> autant ? « On fait une chose puis l’autre.
> C’est comme ça qu’on avance », conclut
> Kévin Havet. ■
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