Contrats pour différence sur le nucléaire : les leçons du cas belge – Contexte



Contrats pour différence sur le nucléaire : les leçons du cas belge – Contexte

by Lecultivateur

4 comments
  1. # Contrats pour différence sur le nucléaire : les leçons du cas belge

    En pleine saison des cartes postales, le 8 août, une lettre envoyée par la Commission européenne au gouvernement belge [paraît au Journal officiel](https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=OJ:C_202404921#ntr39-C_202404921EN.000501-E0040) de l’UE. La Direction générale de la concurrence y liste ses demandes de précision – voire de modifications – du système de Contrat pour différence (CFD), l’un des piliers de l’accord entre l’État belge et Engie pour assurer la rentabilité du projet d’extension de dix ans de la durée d’exploitation de deux réacteurs.

    La décision de prolongation est prise dans le contexte de la crise énergétique de 2022. Pour assurer la sécurité d’approvisionnement du royaume, le gouvernement belge actait l’extension de la durée d’exploitation de Doel 4 et Tihange 3, dont une filiale d’Engie est actionnaire majoritaire et exploitant. La paire aurait dû être fermée en 2025, si la loi sur la sortie du nucléaire de 2003 n’avait pas été revue.

    « La prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires accroît le profil de risque d’Engie [l’exploitant] et nécessite qu’elle modifie sa stratégie commerciale », résume la Commission européenne. Un régime d’aide est donc nécessaire. Il prend la forme d’un accord de partenariat entre Engie et l’État belge, signé le 13 décembre 2023.

    Les CFD bidirectionnels sont au cœur du dispositif et, ça tombe bien, la récente révision du[ règlement « électricité »](https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ%3AL_202401747), en favorise l’utilisation – notamment pour le nucléaire. Selon ces contrats, si le prix du marché est inférieur à un prix de l’électricité prédéterminé (prix garanti), l’État verse la différence à l’exploitant de la centrale, et inversement. Les grands principes encadrant la conception des CFD sont fixés à l’article 19 du règlement tout juste entré en vigueur. Mais la Commission européenne ne s’en est jamais cachée, c’est à l’usage que seront précisés ces concepts (relire notre [article](https://www.contexte.com/article/energie/reforme-du-marche-de-lelectricite-ne-raccrochez-pas-trop-vite-les-crampons_188033.html)). Le cas belge devrait donc être scruté avec intérêt par ses voisins, Paris en premier lieu.

  2. >La Commission déplore que l’opérateur de la centrale n’ait aucune incitation à planifier la maintenance lorsque les prix sont au plus bas.

    Mais quel enfer, considérer que le prix à un instant T doit être l’alpha et l’omega de la stratégie énergétique c’est vraiment le meilleur moyen de défoncer un système énergétique.

    C’est des arguments qui ne comprennent pas les mécanismes de formation des prix et qui n’ont tiré aucune leçon de 2022. Ce qui fait que l’économie roule de façon normale et qu’on a des prix stables et une économie fonctionnelle c’est l’abondance énergétique. Dans ce contexte d’abondance énergétique on a un cadre économique suffisamment stable pour faire plein de suppositions sur l’avenir, pour anticiper des prix avec une cible d’inflation décidée par la BCE à peu près suivie, pour orienter et anticiper des productions selon des prix évoluant progressivement, selon des disponibilités en ressources et leur impact sur les prix etc. Mais tout ça suppose à la base l’abondance énergétique. Il faut d’abord que les Etats garantissent cet approvisionnement énergétique pour créer ce cadre. Là ils inversent les choses en voulant prendre des décisions sur l’approvisionnement énergétique à partir des prix (et du fonctionnement d’une économie qui aboutit à définir ces prix).

    Du coup si les prix de l’énergie sont bas, ils veulent qu’on interprète ça comme un signal à baisser la production, alors que l’énergie abondante qui aboutit à ces prix d’énergie bas est la base de l’économie qui définit tous les prix (et le fonctionnement d’une énorme part de l’économie). Ne pas accepter des prix d’énergie bas c’est comme vouloir une crise permanente de l’énergie (et de l’économie), c’est d’autant plus ridicule quand les prix bas sont ceux d’une électricité bas carbone dans un cadre où l’électrification bas carbone doit être accélérée pour les enjeux climatiques.

    Depuis la crise du gaz de 2022 ça devrait être évident que c’est une bêtise d’inverser la logique dans ce domaine. Et si c’était pas suffisant même en France nos organismes de planification ont admis leur erreur (cf interview de RTE / Brottes par la commision d’enquête sur l’énergie), en disant qu’ils avaient planifié une diminution des besoins électriques en France basée sur les prix bas de l’électricité (alors même que la hausse de la demande est extrêmement prévisible si on décarbonne par l’électrification **en proposant des prix bas**). La seule chose qui doit guider la maintenance des réacteurs c’est la sûreté et c’est de maintenir la production au mieux au long terme, et si la commission pense savoir mieux que l’opérateur quand et comment il doit maintenir sa centrale c’est assez inquiétant du point de vue de la sûreté.

    Depuis la crise énergétique et économique / inflationniste de 2022-2024 on sait qu’il ne faut plus raisonner sur l’énergie à partir des prix. Le guide principal ça doit être de produire suffisamment d’électricité / énergie bas carbone pour répondre aux besoins et de supprimer les énergies fossiles au rythme qui garantie au pire les 2°C de réchauffement max, les deux se faisant ensemble pour être crédible. On en est très loin, et ils nous parlent de signal-prix, c’est affligeant.

  3. Cet article me laisse penser que la commission ne comprend pas que le « marché » de l’électricité n’est pas un marché mais juste un outil pour optimiser l’outil productif. A croire qu’ils se prennent les pieds dans le tapis de leur propre novlangue.

    Du coup, ils ne sont pas près de comprendre pour le « marché » ne fonctionne même pas pour ce à quoi il est censé servir. 

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