« Un Russe mort rapporte davantage à sa famille qu’un Russe vivant » : comment l’« économie de la mort » dope la croissance en Russie



« Un Russe mort rapporte davantage à sa famille qu’un Russe vivant » : comment l’« économie de la mort » dope la croissance en Russie

by Dreynard

7 comments
  1. Les sommes considérables dépensées pour l’industrie militaire, la rémunération des soldats contractuels et les primes de décès aux familles créent une « bulle » financière qui prolonge la guerre, selon les experts.

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    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/08/29/en-russie-l-economie-de-la-mort-dope-la-croissance_6298235_3210.html

    Deux ans et demi après avoir lancé son « opération militaire spéciale » en Ukraine, le président russe, Vladimir Poutine, cherche à attirer de nouveaux volontaires pour aller combattre sur le front. Lancées dans une course à l’enrôlement, les autorités russes, fédérales comme régionales, promettent des soldes mirobolantes, des avantages sociaux alléchants, des primes importantes, à grand renfort de campagnes de propagande diffusées dans les rues, au sein des universités, sur les réseaux sociaux, ou à la télévision. « Rejoins les tiens ! », « Sois un héros ! », proclament les affiches placardées un peu partout sur le territoire. « Défends la terre de Koursk ! », prône une autre, toute récente, appelant les hommes, « jusqu’à 65 ans », à rejoindre le « détachement de volontaires BARS-Koursk » afin de libérer cette région frontalière russe des forces ukrainiennes qui l’occupent en partie depuis le 6 août.

    Sommées de remplir les quotas de recrutement, les régions font feu de tout bois. « Amène un copain au bureau militaire, tu toucheras 100 000 roubles », soit un peu moins de 1 000 euros, dit la nouvelle campagne lancée le 12 juillet par le Tatarstan, situé à l’est de Moscou et grand pourvoyeur de recrues. Attirés par les sommes promises, 385 000 hommes ont signé un contrat entre janvier et décembre 2023, selon le ministère de la défense russe. Pour attirer encore davantage de volontaires, Vladimir Poutine a décidé, en juillet, de doubler la solde mensuelle des contractuels, passée de 195 000 roubles à 400 000 roubles, somme que les régions sont censées abonder. Soit dix fois plus que le salaire moyen.

    A ce pactole s’ajoute une prime forfaitaire de 1,2 million de roubles versée à l’engagement. Non imposables, ces revenus sont assortis de privilèges offerts aux combattants et à leurs familles, entre autres des crédits immobiliers à taux préférentiels, un accès aux plus prestigieuses universités du pays sans examen d’entrée, une retraite confortable, ainsi qu’un statut social. Présentés par le chef du Kremlin comme la « nouvelle élite », les vétérans de l’« opération spéciale » pourront un jour avoir leur photo sur le pupitre d’un écolier.

    **Un Russe rapporte plus à sa famille mort que vivant**

    Un étrange modèle économique est ainsi apparu, selon lequel un Russe mort rapporte davantage à sa famille qu’un Russe vivant. De fait, si un homme décide de partir à la guerre et meurt entre 30 et 35 ans, c’est-à-dire à l’âge où il est le plus actif et au meilleur de sa forme, sa mort sera plus « rentable » économiquement que son avenir. Signer un contrat avec l’armée lui assure de gagner dix fois le salaire minimum et permet surtout à ses proches, s’il meurt au combat, de toucher une prime de décès, grobovye en russe, d’un montant pouvant aller jusqu’à 11 millions de roubles, selon les régions.

    « C’est inédit car, depuis toujours, les Russes étaient envoyés à l’armée sous la contrainte ou par patriotisme. Vladimir Poutine a créé une réalité complètement nouvelle », explique l’économiste russe Vladislav Inozemtsev, aujourd’hui installé aux Etats-unis, qui parle d’une « économie de la mort » érigée en système. De fait, pour un citoyen russe payé l’équivalent de 200 à 400 euros dans le civil, la tentation de s’engager est grande, malgré le risque.

    La mort est pourtant une issue probable, surtout sur le front du Donbass, où les forces russes perdent jusqu’à 1 000 soldats chaque jour, selon les analystes militaires occidentaux. L’Etat la compense à la condition que la dépouille ait été récupérée, ce qui est loin d’être toujours le cas. « Environ un tiers des morts ne sont pas identifiés, par conséquent, aucun paiement n’est effectué pour eux », rappelle Vladislav Inozemtsev.

    Selon l’économiste, « les fonctionnaires et les soldats, les “serviteurs” comme on disait dans l’ancienne Russie », sont ceux qui comptent le plus aux yeux de Vladimir Poutine. « C’est flagrant, souligne-t-il, il suffit de rappeler que ceux qui s’engagent reçoivent cette prime forfaitaire d’au moins 1,2 million de roubles, tandis que les habitants de la région de Koursk qui ont perdu leurs biens [du fait de l’offensive ukrainienne] se sont vu proposer 15 000 roubles en guise de dédommagement. »

  2. L’article est intéressant mais admettons qu’ils pensent que la croissance pourrait monter encore 5/6 ans là où l’Ukraine ne pourrait pas tenir tant de temps, ils font comment niveau soldat ? C’est une boucherie chaque jour et même en prenant les estimations les plus modérés, en croisant les chiffres, il faudrait bien plus d’homme qu’il n’y a à ce jour de mort et blessé. C’est intenable sur une si longue durée, et clairement, ça se payera si cher à la fin quand l’industrie n’aura plus autant de besoin, une population si vieillissante que la main d’œuvre sera plus rare encore, avec une croissance démographique bien en berne. Même s’il me parait audacieux de croire que Poutine en ai quelque chose à foutre des événements dans 6 ans.

  3. > La militarisation de l’économie russe complique considérablement, en effet, les perspectives de fin de guerre en Ukraine. « Il pourrait être plus pragmatique pour le Kremlin de poursuivre cette militarisation de l’économie, et cette dernière prolonge la guerre », poursuit [Elina Ribakova]. Vladislav Inozemtsev partage ce point de vue. « Revenir à une situation de paix, dans laquelle de telles dépenses seraient injustifiées, et démobiliser une armée de criminels se révéleraient très dangereux. Cela n’intéresse pas Vladimir Poutine, assure-t-il. Car la Russie peut bénéficier d’une croissance continue pendant au moins cinq à six ans, soit beaucoup plus longtemps que ce que l’Ukraine peut supporter. »

    Et si on laisse l’Ukraine tomber d’ici là, je vous laisse imaginer vers où seront redirigés les produits de l’industrie militaire russe.

  4. Alors je suis pas expert en démographie ou en économie mais je crois que si tu bases la réussite économique de ta nation sur la mort au front de ta jeunesse c’est pas ultra durable comme calcul.

  5. C’est bien, si ça dure un peu on pourra calculer le nombre optimal pour maximiser les points de croissance/mort.

  6. Ça doit faire plaisir aux bonshommes de savoir que sa famille préférais qu’il se fasse flinguer.

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