L’école inclusive, c’est plus de 436 000 élèves en situation de handicap accueillis dans les établissements scolaires. Ils sont trois fois plus nombreux qu’il y a 20 ans, mais le dispositif n’est pas à la hauteur. Faute de formation et d’accompagnement, les professeurs se disent démunis et en souffrance devant des classes déjà surchargées. Rencontre avec des enseignants d’une école primaire de Seine-Saint-Denis, en région parisienne. Ils se mobilisent pour dénoncer le manque d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Au-delà de ce problème particulier, le modèle d’école inclusive manque de moyens.

En fonction de l’importance de son handicap, un enfant peut être orienté dans un institut spécialisé, appelé institut médico-éducatif (IME), ou alors au sein de l’établissement scolaire dans une classe particulière dite ULIS, ou bien encore en classe « ordinaire » aidé d’un accompagnant.

 

Seulement voilà, dans cette école primaire comme ailleurs, l’engorgement se répercute en cascade : des enfants en attente d’IME vont en ULIS, et on scolarise en classe ordinaire des élèves qui n’ont pas de place dans les dispositifs faits pour eux, malgré des handicaps parfois très lourds.

Ainsi, Margaux, enseignante, accueille dans sa classe de CM2, une petite fille en grande difficulté : « J’ai fait une demi-heure de course poursuite dans l’école avec elle, puisqu’elle s’enfuit de ma classe. Je devais donc laisser ma classe aux soins de ma collègue parce que je ne pouvais pas être au four et au moulin. Ce sont des hurlements, des crises, des enfants qui se font taper aussi dans la classe. J’ai couru dans toute l’école et cela a été difficile de la rattraper. »

Impossible donc pour Margaux d’enseigner aux autres élèves… Comme elle, Clémence a une passion pour son métier et de l’énergie à revendre. Mais aujourd’hui, elle se sent démunie : « Cela devient très compliqué, car on va se retrouver avec des enfants de CM2 qui ont, par exemple, travaillé sur la division ou des notions un peu plus complexes à côté d’enfants non-lecteurs, avec lesquels il va falloir apprendre l’alphabet, les sons, la phonologie, explique l’enseignante. On va donc se retrouver avec des doubles, triples, quadruples niveaux, sans aucune formation supplémentaire pour les aider. »

Pénurie d’AESH

Sur le papier, un élève en situation de handicap devrait être épaulé par un AESH, un professionnel qui lui vient en aide, mais il en manque cruellement. Sarah est la maman d’Anna, atteinte du spectre autistique. En classe, elle est gênée par le bruit. Sa mère s’est battue pour qu’elle soit accompagnée jusqu’à présent : « Actuellement, elle n’a plus d’AESH, elle est complètement perdue. Sans compter que sa maitresse est en “burn-out”, car la situation est très tendue. Elle est partie au bout de trois semaines. Actuellement, il y a un remplaçant et aujourd’hui, il est absent. C’est une situation vraiment dramatique. »

Émilie est une jeune femme souriante et douce. Comme toutes les AESH, elle est mal considérée et sous-payée. Elle s’occupe des 12 enfants de la classe ULIS de cette école primaire : « Aujourd’hui, on a des enfants qui demandent beaucoup d’attention et il faut qu’ils puissent avancer dans leur scolarité. »

L’équipe pédagogique ne rejette pas le principe de l’école inclusive, mais elle déplore le manque de moyens et de formation pour mettre en œuvre cette noble idée.

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