En juin dernier, plusieurs médias français se sont alarmés face à l’expansion de la tique géante (Hyalomma marginatum), potentiellement vectrice de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, dans le Sud du pays. En Suisse, cette tique, qui est près de deux fois plus grande que notre tique commune (Ixodes ricinus), a également été observée au Tessin ainsi qu’en Suisse alémanique. Malgré le danger que représente cet acarien et l’emballement médiatique qu’il provoque, Reto Lienhard, directeur adjoint d’Admed Microbiologie, appelle au calme et à la vigilance.

La tique géante (Hyalomma marginatum) est potentiellement vectrice de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo.

La tique géante (Hyalomma marginatum) est potentiellement vectrice de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo.

IMAGO/Zoonar

Originaire d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, la tique géante profite du réchauffement climatique pour, peu à peu, se propager en direction de régions situées plus au Nord. Dans ce sens, elle est devenue très abondante en Turquie et a pris possession des zones situées au Sud de l’Europe et en Europe de l’Est.

Pour le moment, la Suisse est encore relativement épargnée par la petite bestiole peu ragoûtante. «Comme pour beaucoup d’espèces de tiques, le climat est un facteur important dans la dynamique de la population. Hyalomma marginatum est une tique de zones chaudes plutôt sèches et arides. Le climat des saisons doit correspondre aussi à tous ses stades de développement des œufs à l’adulte. Donc si le climat de ses zones d’origine s’installe le milieu lui sera profitable, mais si des gelées ou des automnes se révélaient trop froids, Hyalomma marginatum ne pourrait pas bien se développer au stade de nymphe», expose Reto Lienhard.

Pourtant, il arrive que des spécimens soient observés dans nos contrées. Ces derniers apparaissent ponctuellement avec les oiseaux migrateurs et l’importation d’animaux. Même si cette tique peut être porteuse de la Fièvre hémorragique de Crimée-Congo, une maladie potentiellement mortelle, il ne faut pas se montrer plus alarmiste que de raison.

Pas de foyer en Suisse

«Hyalomma marginatum n’est pas encore installée dans notre pays. Les découvertes fortuites n’en font pas une généralité. Ainsi, personne n’a encore mis en évidence de foyer dans une région de Suisse. Pour preuve, si l’on se réfère à la carte de distribution des tiques, on découvre que Hyalomma marginatum est identifiée en Suisse depuis 1967 dans différents endroits. Ceci démontre qu’il ne suffit pas de trouver une tique sur un territoire pour en faire un danger imminent», tempère le spécialiste. De ce fait, le risque d’attraper la Fièvre hémorragique de Crimée-Congo est quasi nul en Suisse.

Toutefois, la Confédération observe attentivement l’évolution de la situation même si cette tâche n’est pas facile.«Théoriquement, il faudrait réaliser une grande surveillance à l’entrée des animaux en Suisse. Cela pourrait fonctionner avec le bétail mais pas avec les animaux de compagnie ni les migrateurs. Une information à la population par le biais de l’application «Tique» ou des brochures à la frontière serait une autre possibilité à discuter», ajoute l’expert. Avant de préciser : «La Confédération n’a encore rien mis en place par rapport à une surveillance du vecteur mais plutôt par la déclaration du médecin et du laboratoire des cas de Fièvre de Crimée-Congo.»

«Les maladies liées aux tiques ne cessent d’augmenter»

Reto Lienhard

Directeur adjoint d’Admed Microbiologie

Une autre difficulté soulevée par Reto Lienhard est l’absence de centre spécialisé sur les tiques en Suisse ce qui complique encore davantage la surveillance. «Chez nous, les moustiques ont toujours été plus importants que les tiques. Beaucoup plus d’argent a été investi pour avoir un centre de compétence qui surveille l’arrivée et l’installation de nouveaux vecteurs pour lutter contre ces moustiques. Malheureusement, les maladies liées aux tiques ne cessent d’augmenter. De plus, ce n’est pas parce que la tique géante n’est pas encore installée qu’il ne faut pas la surveiller de près vu la maladie qu’elle est susceptible de transmettre», déplore-t-il. Dans ce sens, il est tout de même impératif de déclarer cette maladie à l’Office fédéral de la santé publique dans les 24 heures après sa découverte.

Se contrôler après une balade

Finalement, chaque individu a un rôle prépondérant à jouer pour détecter la présence de la tique géante en Suisse. «Il n’est pas aisé de donner simplement des critères d’identification à la population pour confirmer la présence de Hyalomma marginatum. On pourrait donc envoyer au laboratoire du CNR chez Admed microbiologie les tiques «exotiques» ne ressemblant pas à la tique commune (Ixodes ricinus) que nous trouvons dans la nature, sur nous ou sur les animaux» suggère encore le microbiologiste.

Il est donc très important de se contrôler au retour d’une balade dans la nature afin de déceler une éventuelle morsure de tique. «Plus de 99% des piqûres de tiques sont dues en Suisse à Ixodes ricinus. Cette tique transmet surtout les borrélies de la maladie de Lyme. Une maladie pas toujours détectée rapidement mais traitable par les antibiotiques couramment utilisés en médecine. On estime que les chances de transmettre la borréliose de Lyme commence après 12 – 16h de fixation de la tique. Ces données sont déduites d’expériences animales et d’études mais on ne peut pas exclure totalement une infection avant 12h», rappelle Reto Lienhard en guise de conclusion.