Métamorphose régionale –
En vingt ans, l’économie romande a muté de 50%
La croissance peine à décoller en 2024, alertent les banques cantonales. Un plateau qui masque la métamorphose de la Suisse romande depuis 2005.
La Suisse occidentale a vécu deux décennies «exceptionnelles», selon les mots de l’économiste de la BCV, Jean-Pascal Baechler.
KEYSTONE
La météo économique régionale ces dix-huit prochains mois? Regardez par la fenêtre. Bancs de brouillard, soleil de linceul faisant regretter le gris. En langage officiel, une activité romande «freinée par une conjoncture mondiale sans élan».
Atone est le mot. Environ 1% de croissance cette année dans la région. De quoi simplement rompre avec la stagnation de l’an dernier. Et un peu moins que ce qui est attendu l’an prochain par le rapport sur le produit intérieur brut romand, publié par les six banques cantonales de la région et présenté dans le cadre du Forum des 100.
Cette situation tranche avec le boom connu ces deux dernières décennies par la partie francophone du pays – «période exceptionnelle sur le plan économique, avec une augmentation de près de 50% de son PIB en termes réels», rappelle Jean-Pascal Baechler, responsable de l’observatoire sur l’économie vaudoise au sein de la BCV.
Hors du marasme continental
Entre la récession dans laquelle est englué, outre-Rhin, le premier partenaire économique de la Suisse – son fleuron automobile traverse une crise existentielle sans précédent – la fin de l’abondance énergétique russe et une appréciation du franc suisse qui arrange les vacanciers, mais pas les commerciaux présentant leurs produits à l’étranger, des centaines d’entreprises continuent de tourner en mode sauvegarde.
Ce qui donne, selon le rapport présenté ce mercredi à Lausanne, 1,1% de croissance cette année et 1,5% l’an prochain pour la Suisse romande. Des chiffres à peine inférieurs à ceux attendus dans tout le pays, mais échappant au coup d’arrêt observé dans les pays de l’Union européenne.
Lumière pour l’industrie?
Objet de toutes les inquiétudes politiques après la fermeture de la verrerie de Saint-Prex, les usines expédiant leurs produits dans les pays voisins «devraient voir leur situation continuer de s’améliorer», après la crise de 2023 qui avait vu les exportations de la région reculer de plus de 2%. En première ligne, les cantons du Jura et de Neuchâtel, où le secteur dit «secondaire» représente la moitié de l’activité – contre le quart dans le canton de Vaud.
À l’inverse, les activités de services – qui pèsent à Genève, les huit dixièmes de l’économie, banques en tête – «pourraient marquer le pas cette année et l’an prochain».
L’âge d’or
Cette lumière d’automne ne dira donc rien de la chaleur d’un été oublié. Car ces 1% et quelques de croissance surviennent après une période de transformation sans précédent. La région a vu son nombre d’emploi exploser d’un gros tiers en vingt ans. Des postes supplémentaires occupés par une population qui a crû de 26% et un nombre de travailleurs frontaliers résidant en France multiplié par trois.
Des recrutements liés à une activité économique qui s’est déployée de 49,5% en deux décennies. Plus de deux fois l’expansion connue en France, en Autriche ou en l’Allemagne. Dans les économies industrialisées, il faut regarder du côté de la Corée du Sud et de ses Samsung-Hyundai partant à la conquête du monde pour trouver une métamorphose plus impressionnante – expansion de près de 80% sur vingt ans.
Un boom qui n’était pas écrit au tournant du siècle. «La crise immobilière et structurelle des années 90, avec leur chômage à plus de 7% – le double de la moyenne régionale actuelle – puis l’éclatement de la bulle technologique laissait des traces, on parlait d’endettement public élevé, de faible croissance», rappelle Jean-Pascal Baechler. Une expansion dont le premier moteur a été, sans surprise, la chimie-pharma, mais également la fabrication de toutes ces pièces et équipements de précision, à commencer par les montres. La valeur ajoutée de cette industrie a augmenté de plus de 50% depuis 2005, bien davantage que la hausse de 35% encaissée par les services financiers.
L’expansion de Die Romandie
Le côté face de cette métamorphose rime avec infrastructures surchargées – autoroutes et quais de gares en tête – et logements trop recherchés pour être abordables, cantonnant nombre de ménages à la location d’appartements trop petits.
Mais elle aura, contre toute attente, renforcé l’importance économique de Die Romandie, à rebours de son influence politique. «La hausse n’est de l’ordre que du dixième de pourcent par an mais régulière – sur deux décennies, le poids de la Suisse romande est passé de 23,1% à 24,4% de l’économie helvétique», note l’économiste de la BCV.
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