La présidente du groupe RN, Marine Le Pen, et le député RN, Jean-Philippe Tanguy, à l’Assemblée nationale, le 1ᵉʳ octobre 2024. La présidente du groupe RN, Marine Le Pen, et le député RN, Jean-Philippe Tanguy, à l’Assemblée nationale, le 1ᵉʳ octobre 2024. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

« Chers collègues, que faisons-nous aujourd’hui ? » De nombreux députés ont cherché le sens des débats du jeudi 31 octobre. Sur le plan législatif : aucun. Ils ont consacré une bonne partie de leur journée à débattre d’articles et d’amendements abscons, relatifs à d’hypothétiques rapports sur les retraites et tombés – avant même d’être votés – aux oubliettes de l’Assemblée nationale. La faute au Rassemblement national (RN) qui, maître de l’ordre du jour à l’occasion de son annuelle niche parlementaire, avait choisi de maintenir au programme une proposition de loi (PPL) d’abrogation de la dernière réforme des retraites, pourtant vidée de sa substance après son passage en commission.

Le parti d’extrême droite a préféré sacrifier plus de cinq heures de cette journée à d’inutiles échanges plutôt que s’avouer vaincu par la gauche. « La niche parlementaire est un monde parallèle pour les Français, ça n’intéresse que les politiques et les journalistes, justifiait, la veille, Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN. Cette journée est surtout de l’affichage : on refuse de laisser passer l’idée que le social serait secondaire pour nous, de laisser les journaux titrer qu’on renonce sur la réforme des retraites. » Alors son parti a laissé traîner les discussions sur un texte dévitalisé. Et l’opération « dévoilement » des « socio-traîtres » promise par les frontistes a tourné à la mise en scène d’une formation aigrie par son impuissance.

L’amertume du RN est à la hauteur des espoirs fondés depuis des semaines par le mouvement sur ce 31 octobre. Fort du plus grand groupe à l’Assemblée (125 membres), donc de la première niche parlementaire de la législature, l’ex-Front national comptait prendre de court sur les retraites une gauche prise dans un dilemme entre concession historique à l’extrême droite ou renoncement à une promesse fondamentale. L’artillerie communicationnelle était prête : un site Internet a été créé pour que les électeurs écrivent aux députés coupables de renier leurs convictions ; élus qui feraient ensuite l’objet de tracts – avec nom et photo – à diffuser dans leur circonscription. Ne manquait plus que le vote du texte piégeux.

« Des méthodes de voyous ! »

Las. En s’abstenant en commission des affaires sociales, de nombreux élus de gauche ont laissé le centre et la droite supprimer les principales dispositions de la PPL, dont la réintroduction par amendements a été refusée par la présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. « Ils pensaient qu’on allait abandonner, rumine Thomas Ménagé, rapporteur (RN) du texte amputé. On était prêt à tout pour ne pas donner l’impression de jeter l’éponge. »

Il vous reste 53.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.