Les dames du Prix Femina 2024 se sont réunies mardi 5 novembre à 13 heures, au Musée Carnavalet et ont récompensé l’auteur franco-vénézuélien, déjà lauréat du grand prix du roman de l’Académie française.

Et de deux. Déjà lauréat du Grand prix du roman de l’Académie française, Miguel Bonnefoy vient de remporter ce mardi 5 novembre le prix Femina avec son roman Le rêve du jaguar , (Rivages), une saga familiale baroque et haletante entre trois pays: la France, le Chili et le Venezuela. Il l’a décroché à cinq voix, contre quatre pour Emma Becker. Miguel Bonnefoy succède à Neige Sinno, avec Triste Tigre (P.O.L.).

De quoi parle Le rêve du jaguar ? Antonio est abandonné sur les marches d’une église. Recueilli par une femme miséreuse, le petit Antonio a un an qu’il doit déjà mendier. Au milieu des marécages, et sur des rives humides, l’enfant en haillons se nourrit de crabes bleus. Il pourrait macérer dans cette vie paludéenne, il n’en sera rien. Il deviendra l’un des plus grands médecins de son pays. À travers la trajectoire d’Antonio, Miguel Bonnefoy raconte l’histoire du Venezuela. « Le Rêve du jaguar, ce n’est pas seulement l’histoire d’une filiation mais celle d’un pays, celle d’un siècle, le XXe », a écrit Laurence Caracalla dans le numéro du 24 octobre du Figaro littéraire. « Dans le sang de Miguel Bonnefoy coule des torrents d’anecdotes étourdissantes, des légendes magnifiques. Et ses personnages, hauts en couleur, parfois fictifs, parfois bien réels, enluminent plus encore ce récit aussi picaresque que poétique. »

Le rêve du jaguar a remporté un vif accueil critique et public. Reste que ce doublé, Grand prix du roman de l’Académie française et Femina, est étonnant. D’abord, parce qu’on n’en relève pas d’autres sur ces dix dernières années. Si doublé, il y a eu, ce fut par exemple avec le Goncourt des lycéens : Clara Dupont-Monod et Neige Sinno, remportèrent les deux, respectivement en 2021 et 2023. Ensuite, parce qu’en sacrant un roman déjà primé, les libraires ne vendront pas deux livres mais un seul. Le bandeau comportera le nom de deux prix. Ce qui, dans une période de crise du livre, est toujours regrettable. Enfin, parce que la dernière liste du Femina était belle et éclectique. Y figuraient : Pierre Adrian, pour Hôtel Roma (Gallimard), Emma Becker, pour Le Mal Joli (Albin Michel), Christophe Bigot pour Un autre m’attend ailleurs (La Martinière), Antoine Choplin pour La Barque de Masao (Buchet Chastel) et Benjamin de La Forcade, Berlin pour elles (Gallimard).

Le prix Femina étranger a été remis à la chilienne Alia Trabucco Zeran pour Propre, (Robert Laffont), un formidable roman psychologique mettant en scène Estela, une employée de maison à Santiago. Chaque jour, Estela enfile son uniforme, passe la serpillière, prépare des pommes de terre, arrose le jardin et s’occupe d’une petite Julia. Estela mène une vie faite de répétitions dans un décor bourgeois, ou ce qui s’apparente plutôt au fil des pages à un huis clos angoissant, jusqu’au jour où Julia meurt. L’a-t-elle tuée? Dans son numéro du 6 septembre, Le Figaro littéraire a écrit : « Propre est une véritable tragédie sur le temps, sur les rapports de domination et d’argent, les apparences et les conventions. Alia Trabucco Zeran nous tend un miroir et il est perturbant. »

Le prix Femina essai a été remis à Tenir tête de Paul Audi (Stock). Enfin, cette année, les dames du Femina ont remis un prix spécial pour l’ensemble de l’œuvre de Colm Tóibín.

Miguel Bonnefoy est encore présent sur la liste du Médicis. Fera-t-il un triplé ? Réponse le 6 novembre.