Les multinationales visées devront communiquer, au grand public, des informations financières sensibles. Cette obligation de transparence s’applique à chaque multinationale qui a une présence en Europe, à partir d’un chiffre d’affaires consolidé de 750 millions d’euros.
Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law et maître de conférences à l’ULiège, nous éclaire sur les implications de cette nouvelle obligation.
1. Qui est concerné ?
Les multinationales présentes en Belgique, quel que soit leur pays d’origine, sont concernées par la mesure, à partir d’un chiffre d’affaires consolidé de 750 millions d’euros.
“Les sociétés belges, qui sont les sociétés mères ultimes d’un groupe multinational, doivent en principe respecter ces obligations de transparence, explique Denis-Emmanuel Philippe. Il en va de même des filiales belges qui font partie d’un groupe multinational, sauf si leur société mère se conforme déjà à l’obligation de déclaration”.
L’objectif était d’éviter des déclarations multiples : la filiale belge ne sera tenue de publier les informations que si sa société mère ne l’a pas fait. Pour donner un exemple plus concret : les groupes Solvay ou AB InBev, dont les sièges sont en Belgique, sont automatiquement visés par cette obligation. En revanche, la filiale belge de Google ne sera visée que si sa maison mère américaine n’a pas dévoilé les informations requises.
La législation belge précise que les succursales, appartenant à une multinationale, sont soumises aux mêmes obligations que les filiales, sauf si elles réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 9 millions d’euros.
2. Quelles informations seront communiquées ?
La multinationale devra déclarer des informations fiscales et financières telles que les pertes ou les bénéfices réalisés, l’impôt payé, le nombre d’employés… Ces informations seront données pour chaque pays, du moins en ce qui concerne l’UE. En ce qui concerne les États situés en dehors de l’UE, les informations peuvent être agrégées, précise Denis-Emmanuel Philippe. Sauf s’il s’agit de paradis fiscaux ou de juridictions dites “non coopératives”. Dans le cas d’un paradis fiscal, l’information devra donc être donnée pour le pays ou la juridiction en question.
Il est prévu que la déclaration doit être déposée auprès de la Banque nationale de Belgique par l’organe d’administration de la société belge. S’il s’agit d’une succursale, l’obligation repose sur les personnes chargées de sa gestion en Belgique. Les informations doivent aussi pouvoir être consultées sur le site de l’entité belge pendant cinq ans.
La déclaration s’applique aux exercices comptables commençant à partir du 22 juin 2024.
“Les informations fiscales et financières seront accessibles au fisc, mais aussi aux actionnaires, aux clients, aux investisseurs potentiels, aux ONG, aux journalistes”
3. Avec quel impact ?
“Un véritable contrôle public va désormais s’exercer sur les choix des grandes entreprises en matière fiscale, explique Denis-Emmanuel Philippe. Les informations fiscales et financières seront accessibles au fisc, mais aussi aux actionnaires, aux clients, aux investisseurs potentiels, aux ONG, aux journalistes,…. Une multinationale va hésiter à deux fois avant d’échafauder des stratégies d’optimisation fiscale. Une multinationale pourrait ainsi être amenée à communiquer qu’elle réalise un milliard d’euros de bénéfices aux îles Bermudes, alors qu’elle n’y paie quasiment pas d’impôts et qu’il n’y a quasiment pas de personnel”.
Néanmoins, certaines multinationales pourraient assumer le recours à l’évasion fiscale (si elle est légale) et ne rien changer.
Les multinationales complexes sont les championnes de l’évasion fiscale4. Quid des sanctions ?
La loi belge prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 10 000 euros pour les personnes qui ne mettent pas en œuvre ces obligations de transparence. Si la violation est faite dans un but frauduleux, une peine d’emprisonnement est également possible, précise Denis-Emmanuel Philippe.
Il ajoute que le Tribunal de l’entreprise aura le pouvoir d’obliger une filiale ou une succursale belge à se conformer à ses obligations. Une sanction peut aussi être appliquée si l’ouverture d’une filiale ou d’une succursale belge a pour seul but de contourner les obligations de déclaration. Par exemple pour passer sous le seuil de 9 millions d’euros de chiffre d’affaires…