Les accords bilatéraux avec l’Union européenne fêtent cette année leurs 25 ans. A cette occasion, un sondage de l’institut gfs.bern réalisé pour le compte de la SSR fait le point sur l’opinion des Suissesses et des Suisses sur la question européenne. Les 27 n’ont pas vraiment la cote dans notre pays, mais les bilatérales sont bien perçues.
Premier résultat de ce sondage: l’Union européenne ne provoque pas un enthousiasme débordant en Suisse. Seul un peu plus d’un quart des sondés peuvent être qualifiés “d’europhiles”. Ceux qui ressentent un “sentiment très positif” à l’égard de l’UE sont peu nombreux (6%). Les “plutôt positifs” représentent 22% du panel, composé de 19’955 citoyennes et de citoyens helvétiques (lire le second encadré).
Près de la moitié des répondants indiquent ressentir un sentiment négatif ou plutôt négatif (49%). Celles et ceux qui se disent mitigés représentent 22%.
Une part importante des répondants au sondage s’accordent pour qualifier l’UE de “Moloch bureaucratique” (83%). Une majorité estime aussi que cette organisation est incapable de réagir correctement aux défis de ce monde (66%). Elle est même “antidémocratique” aux yeux de 52% des sondés. Mais ceux-ci y voient aussi, à une courte majorité, des avantages: le Vieux Continent profite d’un renforcement économique (52%) et de décennies de paix (50%) grâce à son existence.
“L’importance économique de l’UE est indéniable, mais les structures institutionnelles et politiques sont perçues comme problématiques”, analyse gfs.bern. “Cela reflète un champ de tensions dans lequel les avantages économiques de la coopération avec l’UE doivent être mis en balance avec le désir d’autonomie nationale”, avancent les politologues bernois.
L’UDC opposée, le centre droit mitigé, la gauche plutôt favorable
Le sondage met en évidence des attitudes différentes en fonction du sentiment de proximité avec un parti politique important au niveau national. Au sein des sympathisants de l’UDC, les sentiments négatifs dominent (86%). La moitié des personnes se sentant proches du PLR sont en froid avec l’UE.
Celle-ci a davantage la cote au sein des Vert’libéraux (57% d’avis positifs), des Vert-e-s (60%) et du Parti socialiste (61%). Au Centre, en revanche, on est mitigés: une majorité relative de 39% des sondés proches de ce parti se rangent parmi les critiques. Enfin, environ deux tiers des personnes sans affiliation partisane sont défavorables (63%).
Une tendance similaire s’observe lorsqu’il est demandé de juger de manière générale les relations entre la Confédération et l’Union européenne. Trois quarts des personnes se disant proches de l’UDC estiment que la coopération entre les deux entités va trop loin. Plus on se rend à gauche de l’hémicycle, plus on estime que, au contraire, ce lien est insuffisant. Cette idée est dominante au sein des Vert-e-s, du PS et des Vert’libéraux.
Les centristes et les libéraux-radicaux sont, pour leur part, mi-figue, mi-raisin. Ces deux partis sont — dans les grandes lignes — partagés entre “c’est trop”, “ce n’est pas assez” et “c’est juste ce qu’il faut”.
Les non-affiliés sont, là encore, en majorité dans le camp des eurosceptiques.
Dans l’ensemble, les Suisses et les Suissesses sont divisés sur cette question. Le groupe qui trouve que les relations “vont trop loin” (40%) est de taille comparable à celui qui pense l’inverse (37%). Entre les deux, les satisfaits des relations Suisse-UE correspondent à 21% du total.
Approbation des accords bilatéraux
Le tableau change lorsqu’on se focalise sur les accords bilatéraux (on en compte une vingtaine de principaux). Ces engagements sectoriels constituent la principale façon de régler les relations entre notre pays et l’UE. Cette méthode remporte l’adhésion de la majorité. Une bonne partie des électeurs et électrices soulignent que ces accords sont importants pour la Suisse (80%) et son économie (88%).
Un peu plus de la moitié des répondants pensent que les bilatérales sont avantageuses (54%). D’ailleurs, 8% n’y trouvent même aucune imperfection. Une personne sur cinq estime qu’elles comportent autant d’avantages que d’inconvénients. Et un sondé sur quatre y voit avant tout des défauts, voire seulement des défauts.
Comme pour les autres questions, les personnes affiliées à l’UDC sont les plus critiques. Plus de la moitié d’entre elles tirent un bilan négatif des bilatérales (55%). Au sein des autres partis, on les perçoit à l’inverse plutôt comme des atouts. Avec, encore une fois, un bloc PS—Vert-e-s—PVL enthousiaste (à plus de 80%) et un bloc de centre droit un peu plus sur la retenue.
En effet, le PLR et le Centre, bien que dans l’ensemble satisfaits (57% et 61% respectivement), comprennent une aile nuancée assez importante. Celle-ci représente un quart des effectifs des sympathisants de ces partis.
Des négociations à poursuivre
La Suisse et l’Union européenne sont en pleines discussions sur l’avenir de leurs relations. Un processus tumultueux. Le Conseil fédéral a abandonné en mai 2021 les négociations sur l’accord-cadre. Depuis, les deux partenaires cherchent une voie dans ce dossier compliqué.
>> A relire à propos de l’abandon de l’accord-cadre : Le Conseil fédéral enterre l’accord-cadre avec l’Union européenne
Un peu plus de deux tiers des sondés (71%) perçoivent favorablement les négociations en cours sur l’approfondissement des accords avec l’UE. Mais un quart pense à l’inverse que le gouvernement fait fausse route.
L’UDC ne déroge pas à sa règle: une majorité de ses partisans s’opposent aux tractations en cours (57%). Au sein de tous les autres partis représentés dans ce sondage, on voit les discussions sous un jour favorable (80% ou plus dans toutes ces formations). Une majorité des sans parti y adhèrent aussi, mais de manière moins ferme (un tiers d’avis négatifs).
Une bonne partie des Suisses et des Suissesses donnent leur feu vert à la poursuite des négociations. Mettent-ils pour autant la pression sur le Conseil fédéral? C’est moins clair. Une courte majorité déclare qu’un aboutissement des négociations est une affaire “urgente” (54%). Une forte minorité (43%) estime au contraire que rien ne presse.
Antoine Michel