L’UGC des Halles est le cinéma le plus fréquenté au monde



L’UGC des Halles est le cinéma le plus fréquenté au monde

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  1. “À PARIS, LE CINÉMA A SON NOMBRIL DU MONDE

    SELON LE PALMARÈS COMSCORE, L’UGC CINÉ CITÉ LES HALLES EST LE COMPLEXE LE PLUS FRÉQUENTÉ DU MONDE. SA SITUATION ET SA PROGRAMMATION EN FONT UN LIEU UNIQUE. C’EST AUSSI LÀ QUE, DÈS LEUR DÉMARRAGE, S’ÉVALUE LE SUCCÈS DES FILMS.

    Lutaud, Léna

    C’est inattendu. Le cinéma faisant le plus d’entrées au monde ne se trouve pas Inde, en Chine ou à Dubaï, mais dans l’Hexagone. Encore plus étonnant, les Parisiens marchent au-dessus de ses salles sans s’en rendre compte. Le lieu tentaculaire et biscornu défie toute logique. On y accède, comme un spéléologue, en s’enfonçant dans les entrailles d’un centre commercial. L’entrée se trouve sur une voie piétonne souterraine baptisée « rue du Cinéma » , face à une piscine olympique. Avec 2,22 millions de spectateurs, l’UGC Ciné Cité des Halles se hisse à la première place du palmarès 2023 de Comscore. « Les autres cinémas sur le podium sont l’AMC de Burbank à Los Angeles et le Showcase Bluewater, au sud-est de Londres » , détaille Éric Marti, directeur général de Comscore France. Ce géant américain est une référence dans l’industrie du cinéma. Ses analystes récoltent les box-offices dans le monde entier.

    Quentin Tarantino, James Gray, Paul Thomas Anderson et Hirokazu Kore-eda seront contents. Quand ils se rendent à Paris, ces auteurs font toujours un saut dans ce cinéma pas comme les autres. Il les fascine. Ici, pas de fauteuils numérotés, pas de Dolby Atmos, pas de fauteuils 4DX qui bougent. Là où d’autres se déshumanisent, l’entreprise compte 85 salariés. L’UGC Ciné Cité Les Halles est on ne peut plus français. À l’heure où les Halles n’incarnent plus la modernité de ses débuts et où Pathé, Kinepolis et CGR imaginent le cinéma du XXIe siècle, UGC fait le pari que sa formule durera encore longtemps. Malgré les hauts et les bas des Halles, les spectateurs sont attachés à ce cinéma. Ils y ont toujours un film à voir.

    Programmations au pied levé

    Au coeur de la capitale, à deux pas de la plus grande gare souterraine d’Europe avec ses métros et RER qui relient toute l’Île-de-France, « sa localisation est clé » , souligne Samuel Loiseau, directeur général des opérations d’UGC. Ce multiplexe est le seul des 2 000 cinémas en France à être ouvert de 9 heures du matin à minuit trente. Ses 27 salles sont un record en Europe. « Même sa programmation est à part » , ajoute Didier Trevisan, analyste chez Comscore. Avatar est à l’affiche, mais sans monopoliser tous les écrans. 65 % des films sont classés art et essai. « Cela attire un public plus large. Contrairement aux multiplexes en périphérie, les oeuvres étrangères y sont diffusées uniquement en VO » , précise Didier Trevisan. « Notre rôle est d’éveiller la curiosité du spectateur » , martèle Patrice Le Marchand, directeur du cinéma. Comme Bullet Train , Novembre et Elvis, restés entre 11 et 13 semaines à l’affiche, les films sont visibles longtemps. À cela s’ajoutent des programmations montées au pied levé en fonction de l’actualité comme « L’Iran d’aujourd’hui en 7 films » . La venue pleine d’émotion de l’actrice Zar Amir Ebrahimi, récompensée à Cannes, a marqué les esprits. Le lieu s’anime aussi avec 158 avant-premières soit trois tapis rouge par semaine. Cet été, le directeur y a « fait son cinéma » . À raison d’une séance par soir, il a projeté ses 21 films préférés, dont Barry Lyndon , Persona et La nuit nous appartient. « 4 500 spectateurs sont venus » , souligne-t-il. À 54 ans, ce barbu chaleureux incarne le lieu. Les habitués le saluent par son prénom et lui offrent des chocolats à Noël. Plutôt qu’une usine à films, on découvre un village.

    Inauguré le 21 juin 1995, « cet UGC Ciné Cité symbolise la cinquième vague des cinémas parisiens après ceux des Grands Boulevards nés en 1905-1920, ceux des Champs-Élysées dans les années 1930, ceux du Quartier latin des sixties et ceux de Montparnasse après la construction de la tour en 1972 » , raconte Thierry Béné, spécialiste de l’histoire des salles obscures (1). En 1979, les Halles deviennent l’un des tout premiers centres commerciaux de Paris. Le RER y a été créé deux ans plus tôt. Le lieu est moderne. Trois cinémas s’y installent, en dépit de l’arrivée des magnétoscopes et de Canal+. Il faudra attendre seize ans avant l’inauguration du Ciné Cité. « Le quartier n’était pourtant pas connu pour sa cinéphilie. Le Sébastopol a fini son existence en projetant du porno » , poursuit Thierry Béné. Trente ans plus tôt, UGC est aussi né sous d’étonnants auspices. Sous l’Occupation, la société Continental, voulue par Joseph Goebbels, ministre de la propagande du IIIe Reich , « avait confisqué les cinémas dirigés par des Juifs » , écrit Flora Lichaa dans Cinémas de Paris, chez CNRS Éditions. En 1946, le gouvernement français nationalise la Continental et crée l’Union générale cinématographique, soit UGC. Jusqu’à ce que Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’Économie et des Finances, estime que l’État n’a pas vocation à posséder des cinémas, et les privatise. C’est là que deux entrepreneurs, Guy Verracchia et Alain Sussfeld entrent en jeu et dirigent le tout à partir de 1975.

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